Carte de la pauvreté en Tunisie : Autant de vecteurs de vulnérabilité !

La carte de la pauvreté en Tunisie, publiée en septembre 2020 par Tunisie Statistiques et la Banque mondiale, met en relief l’étroite corrélation entre moult facteurs socioéconomiques et éducatifs, et l’évolution de la précarité dans les zones les plus sinistrées, à savoir les régions du Nord-Ouest, du Nord-Est, du Centre-Ouest et du Sud. Une corrélation qui perdure au fil des ans et qui semble aggraver la vulnérabilité desdites régions, en général, et du milieu rural, en particulier. 

Pour comprendre cette relation de cause à effet, le présent rapport s’arrête sur les différents vecteurs propices à la précarité; des vecteurs qui pourraient être éradiqués grâce à une répartition équitables des services basiques, à une infrastructure favorable au développement, à l’investissement et à la création des offres d’emploi dans les régions marginalisées, réduisant, ainsi,  la migration intérieure qui témoigne, depuis des lustres, de l’incapacité des populations marginalisées à tenir le coup plus longtemps.

Le profil de la pauvreté s’articule autour de deux variables bien définies, à savoir celles économiques et celles  éducatives. Les causes directes à la pauvreté sont  l’insuffisance ou l’absence de revenus, mais aussi le manque d’accès à l’infrastructure et aux services de base. Partant de cette logique, il devient aisé de comprendre les facteurs qui alimentent la pauvreté et qui entravent sa réduction.

La migration interne

En Tunisie, la migration interne du milieu rural vers le milieu urbain constitue, pour bon nombre de Tunisiens, l’unique issue pour fuir la précarité. Néanmoins, il s’agit d’une arme à double tranchant. D’une part, elle incite les populations défavorisées et précaires à rechercher des sources de revenus dans les grandes villes et à améliorer, ainsi, leurs conditions de vie. D’autre part, elle favorise l’émergence des quartiers périphériques et défavorisés dans le milieu urbain.

Cette solution vient renforcer, en outre, la marginalisation des zones rurales et l’absence de toute stratégie visant l’instauration d’une infrastructure, à même de garantir un développement durable digne de cette appellation. Du coup, même l’évolution du secteur agricole a tendance à régresser au profit d’autres secteurs, tout aussi importants certes, mais qui trouvent leur climat économique favorable dans les zones purement urbaines. Aussi, les taux de pauvreté les plus élevés marquent, systématiquement, les zones rurales où l’infrastructure fait défaut et où la dynamique économique avance à pas de tortue, sinon  stagne depuis des décennies.

Chômage et travail mal rémunéré

En analysant le profil de la pauvreté en Tunisie, le présent bilan met en exergue l’indéniable corrélation entre l’augmentation du taux de chômage et celui de la précarité. Et on constate, sans surprise, que les délégations les plus précaires, à savoir celles relevant des régions du Nord-Ouest, du Centre-Ouest et du Sud sont celles où domine le plus le chômage. Cela dit, la pauvreté ne concerne pas uniquement les personnes exclues de la dynamique économique et professionnelle. Elle touche aussi les Tunisiens actifs, mais dont la rémunération demeure bien en deçà des exigences de la vie et des charges d’un ménage.

Infrastructure de base manquante

D’un autre côté,  l’absence d’une infrastructure de base et le manque d’accès aux services basiques, notamment les services de santé et des soins de base, la connexion des ménages aux réseaux de l’électricité, de gaz, à l’eau potable et à l’assainissement, ainsi que le manque de proximité des zones rurales des établissements scolaires, administratifs et autres, représentent des facteurs intrinsèques sinon propices à la hausse du taux de pauvreté dans les zones les plus défavorisées. D’ailleurs, les régions du Nord-Ouest, du Centre-Ouest et du Sud sont les moins dotées desdits services et sont, par conséquent, dépourvues d’une infrastructure de base à même d’améliorer leurs conditions de vie et de favoriser l’instauration d’un climat favorable à l’investissement  et, par conséquent, à l’emploi.  Autre vecteur de la pauvreté en Tunisie : le logement. Bénéficier d’un logement décent ne relève pas d’une évidence surtout dans les zones les plus précaires. Dans les régions du Nord-Ouest, du Nord-Est mais aussi celle du Centre-Ouest et dans le Sud, on constate que les logements rudimentaires prédominent la carte de la pauvreté, en disant long sur la vulnérabilité des ménages et l’absence d’un toit sûr pour une grande partie de la population tunisienne.

Pauvreté et non-instruction : la boucle bouclée

Outre les variables économiques, d’autres variables sont à prendre en considération dans l’analyse du profil de la pauvreté en Tunisie. En effet, les familles les plus précaires sont celles dont les enfants sont plus menacés par l’abandon scolaire, sinon par l’échec scolaire. Cela revient aussi bien à l’absence de moyens, à même de garantir à l’enfant les fournitures indispensables à sa scolarité, mais aussi à sa nutrition et à son transport… En proie à la pauvreté,  dont les répercussions excèdent la seule faim ou le manque de moyens pour atteindre, sensiblement, son aspect psychologique, l’enfant aurait du mal à tenir longtemps et finit, dans bien des cas, à délaisser les bancs de l’école.

Mal instruit, il grandit en voyant les horizons de son insertion professionnelle se restreindre à des boulots mal rémunérés et succombe, lui aussi, à la pauvreté. Telle une boucle bien bouclée, la pauvreté s’avère être ainsi un obstacle à l’éducation et à l’instruction et finit, généralement, par s’alimenter via les populations vulnérables, car pauvres et analphabètes, et ce, au fil des générations.

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